La position de La Brigue, à l’écart de l’ancienne route royale de Savoie (actuelle RD 6204) peut susciter des questions sur l’origine des richesses patrimoniales de ce village.
Entre le XIVe et le XVIe siècles, La Brigue était un carrefour important entre les trois voies muletières des vallées de la Roya, du Tanaro, et de la Nervia. La commune s’étendait sur le haut de ces trois vallées, et sur l’ensemble du bassin de la Levenza (affluent de la Roya) où les conditions étaient propices au développement d’une agglomération principale, et aux échanges commerciaux.
Depuis le XIIIe siècle, les communautés de Tende et la Brigue faisaient partie des biens des comtes de Tende-Vintimille. A la mort du comte Guillaume-Pierre II en 1369, son territoire fut partagé. Son fils cadet, qui fonda alors la branche brigasque des Lascaris, initia une politique d’ouverture qui profita à la communauté. Dès 1406, les seigneurs de la Brigue prêtèrent serment à Amédée VIII de Savoie, favorisant ainsi le commerce avec cet état riche. Les chemins de la Brigue prirent un essor commercial.
La Roya, au débouché de la Levenza, menait vers le port de Nice devenu savoyard en 1388.
Le hameau brigasque de Realdo, côté Nervia, était une étape vers Gènes, passé le colle Ardente.
Le hameau brigasque d’Upega, passé le pas du Tanarello, était une étape vers le Piémont par le Tanaro, évitant le col de Tende, tenu par des Comtes farouchement indépendants, qui ne garantissaient pas la sécurité des convois et voyageurs.
En 1513, le duc de Savoie ordonna l’élargissement de la voie du Tanarello (2045 m), affirmant ainsi l’importance de la voie Nice-Turin par La Brigue.
Il fallut attendre 1575 pour que Tende intègre les terres de Savoie, favorisant l’essor d’un trajet désormais sécurisé par le col de Tende.
Ainsi, jusqu’au XVIIe siècle, la voie muletière Nice – Turin par La Brigue, ainsi que l’accès vers Gènes via Triora, enrichirent la population qui put aisément écouler ses productions agricoles, développer l’artisanat, le commerce, et tenir des foires dans son bourg. La population augmenta, entre autres par l’installation de familles ligures, et de juifs chassés de France.
Par la suite, les productions agricoles des Brigasques, qui disposaient de vastes pâturages, continuèrent à s’écouler, mais cette place de négoce, désormais à l’écart de la route Royale perdit peu à peu son importance.
Le patrimoine remarquable du village de La Brigue témoigne de cette longue période faste de la communauté. On y trouve une des plus belles collections de linteaux armoriés des XVe et XVIe siècles de la région. Réalisés en schiste noir de la carrière de Réaldo, ils sont chargés de symboles religieux associés aux armes des riches familles d’alors.
L’église, collégiale Saint-Martin (Monument historique), est richement ornée de son architecture de transition romane – gothique alpin, d’un portail Renaissance, et d’autels baroques où se trouvent des peintures de maîtres du XVIe siècle.
Trois chapelles baroques, construites par des Pénitents et une fondation caritative, ainsi que les vestiges du château (également Monuments historiques) enrichissent ce bel ensemble de ruelles médiévales, dont les maisons à arcades bordant les deux rives du rio Secco, abritaient les marchés des intempéries et du chaud soleil d’été.
